11 déc. 2011

Une Minute de Silence


Le moment est venu. 

Nous aurons préparé et mis de coté nos plus beaux habits d’aquarelle pour fêter le passage à une nouvelle ère, l’ère de la bonne humeur et de l’optimisme.
Mais avant ça, le silence passera par nos cœurs et nos paroles. Cette minute où tous nos mauvais souvenirs, nos blessures et même nos bons moments, seront morts. Il sera donc temps de passer à autre chose. Nos objectifs liés aux plus intimes séquences de ce passé seront ruinés pour en faire jaillir de nouveaux.

Nos joues trempées pour certains et blanches pour d’autres exprimeront la fin de notre désespoir. Ils seront aussi témoins de notre envie (ou pas) de se détacher de ce qui tenait le rôle de rampe de vie.
Certains en sont impatients, pressés même d’enfin ressentir une nouvelle plénitude. D’autres appréhendent ce moment, en se demandant ce qui changera réellement après ce deuil. Et pour d’autres encore, ce sont la plupart de leurs repères qu’ils rendront, avec cette crainte bien palpable de perdre pied. Ce sont ceux qui tenteront de s’accrocher vainement à ce défunt. Mais comme tous, ils passeront ce cap sombre pour s’habiller de brun.

La minute de silence approche et l’anxiété gagne les futurs endeuillés parmi qui, quelques uns pensent déjà à faire marche arrière.

Puis ensemble, nous repensons à la joie et à la gaîté à venir, histoire de se rendre moteur de démarche positive. Nous embrasserons notre futur avec pleins d'entrain et le sourire aux lèvres.

Nous voici donc dans ce silence. Le calme gagne la salle. C’est un deuil solennel. Nous n’aurons droit qu’à soixante secondes très intense pour nous faire à l’idée de changer de cap, d’idée, laisser nos pires moments derrière soi, nos illusions secrètes et d’autres choses encore que sais-je… 
Je contemple tous ces visages, si humains et si expressifs que la minute de silence en devient presque assourdissante d’émotions. De la tristesse, de la mélancolie, de la honte, de la haine, de la désillusion, de la déception... Ce qui nous aura réunis, ce sera notre douleur, de quelque degré qu’elle soit. Nous savons tous que c’est un deuil forcé car ce sont les évènements qui nous auront mis au pied du mur.
Mais nous dirons enfin « Jadis » plus tard pour parler avec nostalgie de celui-ci.
Et je pleure aussi, comme tout le monde, les yeux enfin baissés.



La minute de silence se termine.
Le passé, ce défunt, est maintenant loin. Les visages se détendent. 
Chacun court se vêtir de couleur de joie et d’espérance.
Je suis inerte et je les observe tous. 
Il se trouve que je suis paralysée et cimentée au sol dans cette tenue noir, et que mes larmes furent tellement chaudes que je ne les sens plus se graver sur mes joues.

Je crois que je n’ai pas préparé de guenilles colorées. Aurai-je oublié ?
Je commence à comprendre que le deuil et cette couleur corbeau s’attachent bien à moi.

Et je porterai à vie cette veste ébène, comme cette veuve pour longtemps endeuillée.

Que mon passé repose en paix.
Du mien, il me retient à jamais et aura donné un non sens à ma vie.



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